Évitez les (mauvaises) surprises

Comme les autres secteurs, l’assurance a son jargon abscons, ses raccourcis sibyllins et, surtout... ses fameux tout petits caractères qui en disent plus qu’il n’y paraît ! Ce mois-ci, pour la dernière partie du triptyque de décodage de nos contrats, notre chroniqueur assureur As’est penché sur la raison d’être d’une assurance : l’indemnisation après un sinistre.

Après un sinistre, les raisons d’être mécontent de son assureur sont nombreuses. Certaines sont légitimes, d’autres, et ce sont les plus fréquentes, sont liées à une méconnaissance du fonctionnement intrinsèque de l’assurance. Voici quelques conseils à appliquer pour éviter les mauvaises surprises lorsque l’indemnisation d’un sinistre est d’actualité.

Lors de la souscription du contrat, il est impératif de décrire et déclarer correctement ce qui va être assuré (que les assureurs nomment «le risque»). C’est important pour éviter des sanctions ultérieures. En effet, en cas de sinistre, un expert sera missionné par l’assureur pour évaluer le montant des dégâts, mais aussi pour confirmer ou non que le sinistre est couvert par le contrat d’assurance. C’est l’expert qui, constatant par exemple que le contrat établi couvre cinq pièces principales d’une maison alors qu’elle en compte sept, demandera à la compagnie d’appliquer une règle proportionnelle de prime, réduisant de fait l’indemnisation de l’assuré. Vérifiez donc systématiquement que le risque déclaré sur le contrat d’assurance (quel qu’il soit) est bel et bien conforme à la réalité, de même que la description des biens ou des activités assurés. Posez des questions en cas de doute.

Sinistre indemnisé... S'il est garanti

Si l’objet — la maison, la voiture, la marchandise, etc. — n’est pas garanti… vous ne serez pas indemnisé en cas de sinistre. C’est une tautologie, mais bien des incompréhensions surgissent face la non-prise en charge d’un sinistre. Il arrive qu’une garantie n’ait pas été souscrite soit par choix délibéré de l’assuré, par exemple à cause de son coût, soit par défaut de conseil de son assureur, qui n’a pas identifié le risque et le besoin de son client. À titre d’exemple, l’effondrement de racks dans la zone de stockage d’une entreprise entre dans le cadre d’une garantie spécifique, que des intermédiaires d’assurances non avertis peuvent éluder. Imaginez qu’une rangée de racks s’effondre avec l’ensemble d’une commande prête pour l’expédition. Non seulement les produits endommagés ne seront pas indemnisés, mais les éventuelles pertes financières causées au client final par ce sinistre ne le seront pas non plus.

Plus insidieusement, la non-garantie d’un sinistre peut provenir d’une exclusion écrite dans le contrat : rares sont, par exemple, les vols commis sans effraction qui soient pris en charge. D’autres fois, c’est la méconnaissance du périmètre précis du contrat qui est à blâmer. Prenons l’exemple de biens endommagés durant leur transport. Ils ne seront pas indemnisés par la police «dommages aux biens» de l’entre- prise, mais par la police «marchandises transportées». Encore faut-il que cette dernière ait été souscrite.

Depuis quelques années, en complément du contrat d’as- surance, l’intermédiaire d’assurances est obligé de faire signer à ses clients une «fiche conseil». Ce document rappelle les déclarations, les choix de garanties… et de non-garanties. S’il propose une couverture qu’il estime essentielle mais que l’assuré refuse, l’intermédiaire l’écrira très clairement sur la fiche conseil, ne serait-ce que pour se protéger lui-même.

Assuré sous surveillance

Si l’assuré commence à déclarer beaucoup de sinistres, il apparaîtra «en surveillance» chez son assureur. Celui-ci peut imposer une majoration de prime, une augmentation de la franchise ou décider tout simplement de rompre le contrat (lire aussi l’encadré ci-dessous). Toute déclaration de sinistre doit être appréciée en fonction de la fréquence et du montant des sinistres déclarés précédemment, de l’écart entre l’indemnisation et la franchise, etc. L’intermédiaire est censé alerter son client en le conseillant sur la pertinence de déclarer ou non un sinistre en fonction de ces critères.

Force est de constater que de nombreux clients perçoivent l’assurance comme un produit de consommation courante. Pourtant, à l’origine, l’assurance a été créée pour couvrir des sinistres majeurs. Sa raison d’être est le transfert du risque que l’assuré ne peut gérer seul. Se faire rembourser un réfrigérateur 300 euros alors que la franchise s’élève à 200 euros est une dérive consumériste préjudiciable. Gardez en tête que l’assureur, soucieux de son compte de résultat, sanctionne tôt ou tard l’assuré qui prend cette direction. Dès lors que son client n’est pas responsable, l’assureur sait qu’il peut compter, normalement, sur le recours qu’il exercera sur l’assureur de l’auteur du sinistre. Il indemnisera son assuré, mais se retournera contre l’assureur adverse afin de récupérer les sommes avancées.

Rapport entre coût et bénéfice

Une compagnie d’assurances est une société à but lucratif : son objectif est de gagner de l’argent. Même si sa mission est de régler les sinistres de ses clients, elle évalue en permanence la rentabilité de son portefeuille. Elle joue notamment sur la mutualisation, mais elle est vigilante sur le profil de clients à risques, susceptibles de dégrader ses résultats en subissant des sinistres à répétition. La compagnie évalue le coût des sinistres par rapport aux primes encaissées, au global pour l’ensemble du portefeuille clients, mais aussi pour chaque assuré. C’est le fameux rapport sinistre/prime.

Ces détails qui n'en sont pas

Il existe des conventions (Irsi pour les dégâts des eaux, Irsa-Ida pour les sinistres automobiles…) qui empêchent l’assureur d’exercer des recours ou qui en limitent la somme (2). Par conséquent, en toutes circonstances, l’assureur prend en compte la fréquence des sinistres déclarés, y compris ceux dont son assuré n’est pas responsable.

Pour résumer, l’enfer se cache dans les détails : déclaration du «risque», choix des garanties, exclusions du contrat, gestion des sinistres, etc. sont autant de pièges sournois qui peuvent coûter cher après la catastrophe. Le rôle de conseil des intermédiaires n’a jamais été aussi important.

Daniel Azarian (Ai. 199)

(1) Lire aussi AMMag d’octobre 2020, p. 38.

(2) Pour en savoir plus : https://www.index-assurance.fr, onglet «En pratique», puis «Guide» et déroulez jusqu’à «Sinistre et Assurance auto» pour lire le point «Convention Irsa-Ida».