Sécurisez vos pratiques collaboratives

Avec le développement des start-up et l’engouement pour l’entrepreneuriat individuel, des pratiques collaboratives sont apparues qui constituent désormais un modèle économique à part entière. Elles soulèvent des questions de droit et d’assurance à ne pas négliger. Explications.

Les pratiques collaboratives désignent «le partage de biens et de ressources que l’un possède et dont l’autre a un besoin ponctuel» (1). Il peut s’agir de locaux (bureaux, ateliers, places de stationnement, entrepôts, etc.), de matériel (machines, outils, organes de production, etc.) ou d’un service (hôtesse d’accueil, entretien des locaux, secrétariat, etc.). Si le partage de ces biens ou ressources permet à de nombreux entrepreneurs de développer leur entreprise dans une logique de recherche d’économie ou, tout simplement, dans un esprit d’entraide, il n’en reste pas moins que cette pratique, qu’on soit le prêteur ou l’emprunteur, nécessite de prendre quelques dispositions.

Le partage de locaux

Sans parler des espaces partagés de travail («coworking») et des pépinières d’entreprises, vous pourriez décider, comme 44% des TPE (2), de prêter une partie de vos locaux, une zone de stockage ou des bureaux. Peut-être, à l’inverse, aimeriez-vous pouvoir disposer de temps en temps d’un atelier pour développer un produit, ou de bureaux à occuper lorsque vous n’êtes pas sur la route à prospecter.

Des entreprises peuvent trouver un intérêt à vous prêter, à titre gracieux, une partie de leurs locaux : celle pour qui vous êtes prestataire et qui peut y voir un gain d’efficacité à vous savoir à côté; celle que votre projet intéresse et qui s’intéresse à d’éventuelles synergies ; ou celle qui estime que votre présence peut développer la créativité de sa propre équipe. Le prêt de locaux peut aussi s’envisager au travers d’une relation de troc, en échange d’une compétence ou d’un savoir-faire que vous pourriez fournir en contrepartie (lire plus loin).

Ce n’est pas parce qu’une démarche est gratuite qu’il ne faut pas y porter son attention. Tout d’abord, vous avez intérêt à signer une convention de mise à disposition des locaux qui précise les caractéristiques des locaux prêtés et les conditions de cette mise à disposition (durée, activité exercée, droits et obligations des parties, etc.). Il est indispensable de vérifier de quelle façon le local et les biens mobiliers qui s’y trouvent sont assurés. Le contrat prévoit-il la possibilité d’héberger une autre entreprise ? La garantie couvrant les biens mobiliers d’exploitation est-elle suffisante pour protéger les biens de l’emprunteur? Cette garantie s’exerce-t-elle pour un occupant temporaire ? Attention ! Dans le cas contraire, les marchandises, les matériels ou machines que l’emprunteur pourrait installer seraient susceptibles de ne pas être indemnisés en cas d’incendie du local, par exemple.

Des plateformes de troc entre pros

Des plateformes collaboratives permettent aux professionnels et entrepreneurs de s’échanger biens et services, donc de développer conjointement leur activité. On peut citer Swaplife (1) qui facilite la mise en relation : au lieu d’acheter ou de louer un équipement, vous êtes mis en contact avec une entreprise qui vous prêtera ce bien contre un autre service. Sur certaines plateformes, comme France Barter (2), une monnaie d’échange virtuelle a cours : en mettant à disposition un bien ou un service sur la plateforme, vous gagnez des euros virtuels, qui vous permettent à votre tour d’en emprunter, en contrepartie.

(1) www.swaplife.com

(2) www.francebarter.coop

Le prêt ou l'échange de matériel

Une TPE sur dix emprunte ou prête du matériel professionnel à d’autres entreprises pour des besoins ponctuels (2). Pratique courante dans le monde agricole, cette possibilité de bénéficier d’un équipement dont l’usage peu fréquent n’en justifie pas l’achat s’étend de plus en plus aux secteurs de l’industrie, du BTP et même des services. Une solution facilitant les échanges de matériels entre professionnels se développe grâce aux plateformes numériques : il s’agit du troc (lire l’encadré ci-contre). Cette pratique qui consiste à échanger un matériel contre un autre ou avec une contrepartie en nature (prestation de service) est tout à fait légale et se régularise d’un point de vue comptable et fiscal. Pour ce faire, l’échange fait l’objet d’une facturation soumise à TVA portant obligatoirement la mention «pour compensation».

Comme pour les locaux, quelle que soit la forme que prend le prêt du matériel (gratuit ou troc), une convention de prêt de matériel est indispensable pour sécuriser la transaction, surtout si le matériel prêté a une valeur élevée. Ce document contient les engagements réciproques, les responsabilités de chacun et les modalités du prêt entre autres. En outre, pensez à faire un état des lieux du matériel : niveau de carburant, accessoires fournis, carnets d’entretien, habilitations requises si nécessaire, etc.

Enfin, sur le plan assurantiel, si vous êtes l’emprunteur, vérifiez que votre contrat d’assurances prévoit effectivement d’intégrer les «biens confiés» dans les biens indemnisés et si le montant de la garantie est suffisant. De même, si vous êtes le prêteur, vérifiez que le matériel qu’on vous emprunte est réellement couvert par votre contrat. Enfin, prenez bien note des exclusions ou restrictions éventuelles comme la période pendant laquelle votre matériel est couvert contre certains dommages, le vol par exemple.

Parmi les TPE interrogées, jusqu’à 72 % des entreprises d’un à neuf salariés estiment se limiter dans leur pratique collaborative parce qu’elles ont peur des conséquences en cas d’éventuel dommage. Raison de plus pour faire de son assureur un partenaire et un compagnon de route tout au long de la vie de son entreprise.

Daniel Azarian (Ai. 199)

(1) https://entreprise.mma.fr/votre-activite/assurance-collaborative.html

(2) Étude réalisée en septembre 2017 par Kantar TNS et MMA auprès de 436 TPE françaises d’un à neuf salariés.