Dans un environnement économique qui vise le zéro défaut, tout problème survenant lors du montage ou des essais de machine ternit l’image de l’entreprise auprès de ses clients, voire met durablement sa réputation en danger. Et ce n’est qu’une conséquence indirecte : les principales étant les pertes de temps et d’argent pour l’entreprise, ses sous-traitants et son client. Conscients de cette problématique, les assureurs ont traduit ce qui se fait dans le BTP au secteur industriel. En effet, dans le cadre de la construction d’un bâtiment, il existe une police appelée tous risques chantier («contractor’s all-risk») qui permet de garantir les dommages subis par l’ouvrage en construction, mais aussi les matériaux sur chantier, les ouvrages provisoires, les échafaudages, etc. Et même les frais qui en découlent dus aux mesures de confortement, aux démolitions, déblaiements, honoraires, etc.
Lorsque les capitaux sont davantage engagés sur les machines et sur les équipements industriels à installer que sur le génie civil, par exemple lors de la construction d’une usine avec une chaîne de production, la tous risques chantier se transforme en tous risques montage-essais («erection all risks» en anglais, et souvent abrégé en TRME en français). Elle couvre également les équipements en cours d’installation en bris de machine (lire l’encadré p. 47).
Sans perdre de temps en recherche de responsabilité
Le souscripteur d’une telle police peut être l’entreprise cliente elle-même, c’est-à-dire celle qui deviendra propriétaire de l’équipement (l’équivalent du maître d’ouvrage en construction), mais c’est souvent l’entreprise fabricante ou bien l’ensemblier qui souscrit la tous risques montage-essais pour le compte de tous les participants au montage et aux essais. En effet, dans une telle police, tous ceux qui interviennent lors du montage et des essais sont garantis, qu’il s’agisse du futur propriétaire de l’équipement ou des sous-traitants participant aux opérations (concepteurs tels qu’architecte ou bureaux d’études, réalisateurs ou fournisseurs).
L’intérêt d’un tel contrat d’assurance est de pouvoir indemniser très rapidement l’assuré lésé sans rechercher les responsabilités, qui sont souvent croisées dans le cas de chantiers complexes. Cette indemnisation rapide permet la poursuite au plus vite des travaux.
En fonction de la typologie des équipements et des chantiers, des options spécifiques peuvent être ajoutées au contrat. Citons trois exemples.
- Les dommages subis par les existants
Cette option couvre les machines, matériels ou biens immobiliers existant avant le montage.
- Les pertes d’exploitation anticipées
Le maître d’ouvrage sera indemnisé pour les pertes d’exploitation réelles consécutives à un retard dans l’achèvement des travaux assurés suite à des dommages garantis survenant avant réception.
- Les dommages survenant pendant la période de maintenance...
…après réception, pour lesquels on distingue trois niveaux de garantie :
- La garantie maintenance visite où seuls sont pris en charge les dommages causés aux équipements lors des visites contractuelles d’entretien, de contrôle et de réparation ;
- La garantie maintenance étendue complète la première par l’indemnisation des dommages dont l’origine se situe pendant la période de montage et d’essais ;
- La garantie constructeur complète encore la précédente par l’indemnisation des dommages résultant de vices de matière, d’erreurs de calcul, de conception ou de montage.
Exemples de sinistres indemnisés
Les cas de figure suivants peuvent être couverts par un contrat tous risques montage-essais et ouvrir la voie à une indemnisation :
• Du fait d’un défaut de matière (nuance d’acier), l’arbre principal d’entraînement d’un convoyeur casse lors de l’essai de performance ;
• Lors de sa mise en place, un robot manipulateur tombe sur son armoire de commandes ;
• Lors de la construction de l’unité de salaison d’une usine agroalimentaire, des vols de matériels inox et des actes de vandalisme surviennent ;
• Lors de l’installation d’un système de traitement des fumées, la structure métallique qui le supporte s’affaisse à cause d’une erreur de calcul.
On voit que les dommages matériels couverts peuvent provenir d’une cause externe :
• Affaissement, détérioration ou rupture de l’équipement de montage, accident de manutention…
• Maladresse, négligence, malveillance…
• Incendie, explosion, foudre, dégât des eaux, vol, vandalisme, etc.
Ou d’une cause interne, telle qu’un défaut de conception, de construction, de matière, une erreur de calcul, un déréglage, une surpression, etc.
Les points de vigilance
La tous risques montage-essais souffre d’exclusions. Certaines sont propres à cette typologie de contrat. Ainsi, le dommage dû aux grèves, le dommage aux matières consommables, aux engins de chantier sont des exclusions «rachetables» — c’est-à-dire que ce type de dommages peut être couvert moyennant une surprime. D’autres exclusions sont absolues comme les défauts existants à la souscription du contrat, les dommages dus à l’usure, à des arrêts de travail, etc.
Enfin, en cas de chantier «à lots», il faut être très attentif lors des réceptions provisoires qui changent la couverture d’une partie du chantier, voire y mettent un terme.
Une police tous risques montage-essais peut s’envisager pour un chantier unique donné, mais pour les entreprises qui montent des équipements industriels plusieurs fois par an, elle peut se rédiger en police «à aliment» : un seul contrat annuel suffit alors, alimenté au coup par coup par les chantiers préalablement déclarés par l’assuré à l’assureur.
Daniel Azarian (Ai. 199)
«Le dommage dû aux grèves, le dommage aux matières consommables, aux engins de chantier sont des exclusions "rachetables" — c’est-à-dire que ce type de dommages peut être couvert moyennant une surprime»