S’assurer à l’international

Dans un monde globalisé, les entreprises accentuent de plus en plus leur présence à l’étranger. Une nouvelle dynamique est portée par les ETI et les start-up, qui enregistrent chaque année une progression de 20 % de leur activité internationale (1). Mais cette activité n’est pas sans risques, risques qu’il convient de protéger.

Quelles sont, en termes d’assurance, les précautions à prendre et les solutions à développer pour une activité à l’international en toute sérénité ? Prenons le cas des structures dont l’activité opérationnelle est réalisée intégralement depuis la France, à l’achat comme à la vente, souvent des PME qui n’ont pas les ressources ou l’utilité de s’implanter dans un autre pays. Une étude particulière, ou du moins une vigilance accrue, est nécessaire.

Quand on opère depuis la France

Le sujet de l’assurance des marchandises transportées est évidemment l’un des premiers enjeux qui vient à l’esprit. L’essentiel est de retenir que la responsabilité des intervenants du transport est très limitée, que les Incoterm (2) ne protègent pas systématiquement l’entreprise (notamment en cas de paiement différé) et que le propriétaire des marchandises peut être redevable de contributions à l’avarie commune, en particulier lors d’un transport maritime, quand bien même sa marchandise ne subit pas de dommage. Nous vous renvoyons à l’article paru sur le sujet dans AMMag (n° 403 d’octobre 2018, p. 50).

Les contrats d’assurance de responsabilité civile (professionnelle, avant et après livraison, etc.) sont en général des polices dites «monde entier», c’est-à-dire qu’elles couvrent tous les dommages que l’activité de l’entreprise pourrait causer partout sur Terre, à une exception près, ou devrais-je dire à une «exclusion» près, pour rester dans le jargon assurantiel. En effet, l’activité n’est jamais couverte «de base» aux États-Unis et au Canada. Les risques de responsabilité civile dans ces deux pays sont considérés comme sensibles par les assureurs, du fait, notamment, des demandes d’indemnisation par les victimes qui sont plus fréquentes et plus élevées, sans parler du coût supplémentaire des frais de procédure.

Dès lors que vous exportez ou offrez vos services à des clients américains ou canadiens, il est indispensable de vous couvrir spécifiquement pour les risques de responsabilité dans ces pays, même pour une commande unique d’un euro. L’assureur établira ou ajoutera une ligne de garantie spécifique qui vous couvrira. Attention aux réactions en chaîne : l’absence d’une garantie RC USA/Canada pourra vous être reprochée par les associés et investisseurs. Et ces derniers pourront vous mettre en cause personnellement pour faute de gestion (Cf. article sur la RCMS, Arts et Métiers Mag n° 409 de mai 2019, p. 48).

3 objectifs à retenir

Le montage d’un programme international doit poursuivre trois objectifs :

1

Sécurité et gestion des risques

Il s’agit d’éviter toute lacune de couverture en montants et en conditions de garanties et d’obtenir une harmonisation efficace des polices d’assurance entre les différents pays concernés.

2

Globalisation et consolidation des informations

Le programme doit permettre à l’entreprise d’avoir une vision claire et complète de ses actifs et de leurs garanties d’assurances.

3

Maîtrise des coûts

Des économies d’échelle peuvent être envisagées, tout en améliorant les couvertures des sociétés étrangères.

Quand on opère depuis l'étranger

Évoquons maintenant le cas d’une entreprise française désireuse de s’implanter dans un pays et de produire ou distribuer directement à partir d’un site local rattaché à la maison mère française. Plusieurs cas peuvent se présenter.

Si les pays envisagés pour l’implantation locale sont membres de l’Espace économique européen (3), l’assureur de la maison mère française pourra assurer chaque site de l’EEE dans une seule et même police de droit français au sein d’un programme international dit «centralisé». On dit également que l’assureur exerce en libre prestation de services.

Dès lors que le pays où l’entreprise souhaite s’implanter n’appartient pas à l’EEE, l’assureur de la maison mère va devoir construire un programme international en se rapprochant d’assureurs locaux disposant des agréments nécessaires dans leur pays.

On distingue deux grands types de programme : «intégré» ou «coordonné» (voir encadré ci-contre). Dans les deux cas, le principe consiste à intégrer ou à coordonner une police principale, dite police «master», avec des polices locales respectant les exigences de chaque pays où l’entreprise est implantée.

Dans le cas d’un programme intégré, l’assureur français intervient comme réassureur (4) des polices locales, c’est-à-dire que l’ensemble du risque est porté par l’assureur français qui indemnisera intégralement les assureurs locaux en cas de sinistre. Dans ce cadre, l’assureur a davantage la possibilité d’imposer les conditions et les montants de garantie aux assureurs locaux. Ce type de programme permet une gestion des risques étroitement pilotée par la maison mère. De même, la compagnie de tête conserve le contrôle total du programme à tous niveaux : elle vérifie que les polices émises localement respectent les lignes directrices de la police «master».

Dans certains États, les assureurs locaux, du fait d’obligations ou de réglementations spécifiques à leur pays, peuvent ne pas pouvoir se conformer aux exigences de l’assureur «master». Il se peut aussi que l’entreprise souhaite laisser plus de liberté à ses filiales à l’étranger dans la détermination des termes et conditions des contrats locaux, tout en s’assurant d’un niveau de garantie de bonne qualité et de nature équivalente pour l’ensemble du groupe. Là, la maison mère n’intervient pas comme réassureur mais vient couvrir la différence entre la police locale et la police «master», en termes de garanties souscrites (DIC : difference in conditions) ou en termes de montant (DIL : difference in limits). Les assureurs locaux supportent donc à 100 % le risque qu’ils garantissent et l’assureur «master» couvre les différences pour répondre aux exigences de la police «master» qui vient donc en complément pour harmoniser les garanties assurées localement.

Comme ce type de programme permet une gestion des risques adaptée aux conditions locales, il peut également être mis en place en cas de sinistralité de fréquence sur une implantation afin de ne pas pénaliser la police «master».

Daniel Azarian (Ai. 199)

(1) http://www.entreprise.news/entreprises-francaises-prennent-risques-grandir-a-linternational-yves-deschamps/

(2) Incoterm est un terme normalisé qui sert à définir les droits et devoirs des acheteurs et vendeurs participant à des échanges internationaux et nationaux.

(3) L’EEE réunit les États membres de l’Union européenne plus l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège.

(4) Un réassureur prend en charge, moyennant rémunération, tout ou partie du risque d’une compagnie d’assurances (appelée la cédante). Le réassureur s’engage à rembourser à la cédante, dans les conditions déterminées, tout ou partie des sommes versées à l’assuré au titre d’un sinistre.