Règles proportionnelles : Attention aux dégâts !

Sous-évaluer le risque encouru ou le montant des biens à assurer lors de la signature d’un contrat d’assurance peut avoir de graves conséquences financières pour l’entreprise. Car l’assureur va appliquer la règle proportionnelle de prime ou celle de capitaux en cas de sinistre. Une seule vraie solution : l’expertise préalable.

Avant de bâtir un contrat pour une entreprise, l’assureur recueille des informations sur les activités, les caractéristiques et les moyens de production du futur assuré, condition sine qua non pour établir une prime d’assurance. Mais attention aux évaluations approximatives. Leurs conséquences peuvent s’avérer onéreuses !

Le dirigeant peut, volontairement ou non, sous-estimer ces paramètres, donc minorer les risques. L’assureur, se basant sur ces déclarations, couvre un risque plus élevé qu’il ne le croit. En cas de sinistre, une correction de ce déséquilibre sera appliquée via une règle proportionnelle de prime ou de capitaux. La première intervient lorsqu’il y a aggravation du risque, la seconde lorsqu’il y a aggravation des conséquences. Dans les deux cas, l’indemnité versée sera réduite, pouvant mettre à mal la santé financière de l’entreprise.

La règle proportionnelle de prime

La règle proportionnelle de prime (RPP) s’applique lorsqu’il y a description inexacte du risque garanti par l’assuré. Elle entraîne une réduction de l’indemnité «en proportion du taux des primes payées par rapport au taux des primes qui auraient été dues si les risques avaient été complètement et exactement déclarés» (1). Si l’assuré fait intentionnellement une fausse déclaration et que l’assureur parvient à prouver sa mauvaise foi, le contrat sera considéré comme nul.

Exemple. Vous assurez votre maison de quatre pièces et payez en contrepartie une prime de 500 euros. Les années passent et vous transformez votre garage attenant en chambre d’amis, mais oubliez de prévenir votre cher assureur. Un important dégât des eaux survient et entraîne des dommages évalués à 10 000 euros. L’expert mandaté note que la déclaration fait état d’une maison de quatre pièces, et non de cinq pièces. Si l’assureur avait été informé de cette pièce supplémentaire, la cotisation aurait grimpé à 600 euros. Il va donc appliquer une RPP sur l’indemnisation prévue initialement :

Indemnité versée = montant des dommages évalués x (prime payée/prime due) ; soit, dans notre exemple, 10 000 x (500/600) = 8 333,33 € ; l’assuré en sera de sa poche pour presque 2 000 €.

La règle proportionnelle de capitaux

La règle proportionnelle de capitaux (RPC) s’applique, elle, lorsqu’il y a sous-évaluation des capitaux à assurer. Elle entraîne une réduction de l’indemnité versée au prorata des biens garantis, et ce, même si le montant des dommages est inférieur au plafond de garantie (2).

Exemple. Échaudé par la RPP que l’assureur a appliquée, vous mettez à jour votre assurance habitation en déclarant bien cinq pièces. Lorsque l’assureur vous demande le montant du mobilier dans la maison, vous l’estimez à la louche à 10 000 euros.

Si vous êtes victime d’un cambriolage et que les malfaiteurs prennent tout, l’assureur vous indemnisera bien évidemment à hauteur du plafond de 10 000 euros. Jusque-là, tout semble normal. Mais les cambrioleurs ne dérobent que la moitié de vos biens, pour 7 500 euros. L’expertise révèle que la valeur réelle des biens n’est pas de 10 000 euros, mais de 15 000 euros. L’assureur va appliquer une RPC sur le montant des dommages :

Indemnité = montant des dommages x (valeur assurée/valeur réelle), soit 7 500 x (10 000/15 000) = 5 000 € ; l’assuré perdra 2 500 €.

Un risque élevé pour l'entreprise

Dans une négociation âpre, un intermédiaire d’assurances propose un contrat à une entreprise industrielle à un tarif défiant toute concurrence. L’entrepreneur, ravi d’avoir fait un bon coup, célèbre dignement l’accord en organisant un barbecue pour ses salariés. Une vilaine merguez trop grasse met le feu au bâtiment qui brûle à moitié.

En regardant le contrat d’assurance fraîchement signé, le dirigeant s’aperçoit que son bâtiment est indemnisé avec un plafond de garantie de 3 000 000 euros, montant de la valeur vénale(3) selon la déclaration de l’intermédiaire. Mais l’expert estime le bien immobilier non pas en «valeur vénale» mais en «valeur de reconstruction» ! Or, celle-ci est estimée à 5 000 000 euros et l’expert évalue les dommages à 2 000 000 euros.

«Ouf ! se dit le chef d’entreprise, 2 000 000 €, ça passe en dessous du plafond !» Mais l’assureur ne l’entend pas de cette oreille et applique une RPC en indemnisant l’entreprise de : 2000000 x (3000000/5000000) = 1200000 € ; l’assuré devra payer de sa poche une partie de la reconstruction de l’usine, soit 800 000 €.

Par incompétence ou pour être le mieux-disant et remporter le marché, l’intermédiaire a confondu valeur vénale (4) et valeur de reconstruction. C’est le client qui en paie le prix.

L'expertise préalable

Évaluer des biens est souvent difficile. Il est fortement conseillé à toute entreprise dont les engagements sont importants de faire appel à un cabinet d’expertise agréé par les assureurs. Cette expertise préalable, à réactualiser tous les cinq ans, donne lieu à un document contractuel permettant de déterminer les capitaux nécessaires et suffisants à garantir. Elle a pour avantage de faire foi aux yeux d’un assureur et permet d’éviter des litiges ultérieurs sur la valeur des biens endommagés. En outre, certains assureurs offrent un tarif plus avantageux si une telle expertise a été établie.

Daniel Azarian (Ai. 199)

Les clauses qui sauvent

Des clauses peuvent être ajoutées pour limiter, voire déroger à l’application de la règle proportionnelle de capitaux. On peut citer :

• l’indexation des capitaux ;

• la clause de tolérance où l’assureur s’engage à ne pas appliquer la rPc lorsque la valeur réelle n’est pas supérieure de plus de n% à la valeur assurée ;

• le report des excédents : sur le principe des vases communicants, les excédents de capitaux sur un type de dommage peuvent être reportés sur les autres types de dommages où les capitaux sont sous-évalués. La sous-assurance des uns est compensée (en tout ou partie) par la sur-assurance des autres.

(1) Article L 113-9 du code des assurances.

(2) Article L 121-5 du code des assurances.

(3) Valeur d’échange ou de transaction sur un marché donné.

(4) Il est des cas où assurer un bâtiment en valeur vénale plutôt qu’en valeur de reconstruction a du sens, mais ils sont relativement rares.