Chaque année, plus de 5000 poursuites sont enregistrées contre des dirigeants d’entreprise et 40% d’entre elles aboutissent à des sanctions personnelles (1). La responsabilité personnelle des dirigeants peut être recherchée dans de nombreux cas, favorisés par la judiciarisation de la société. Au-delà du chef d’entreprise, un directeur financier, un responsable de chantier ou toute autre personne à qui a été confiée une délégation de pouvoir peut également faire l’objet de poursuites; il devient alors un dirigeant «de fait».
Les cas qui peuvent engager la RCMS
Trois principaux types d’agissements peuvent engager la responsabilité civile du mandataire social, la RCMS. Quelques exemples.
- L’infraction aux dispositions législatives et réglementaires
Vous êtes responsable d’un chantier de construction et, malgré vos consignes de sécurité et la fourniture d’équipements de protection individuelle obligatoires à chaque ouvrier, l’un d’eux ne porte pas son casque et se blesse; les autorités de régulation peuvent vous mettre en cause pour non-respect des règles de sécurité.
La société que vous dirigez a recours à des sous-traitants dans le cadre de son activité. L’un d’eux fait intervenir des travailleurs non déclarés ; vous êtes susceptible d’être mis en examen pour cela.
Vous gérez une société d’agencement intérieur et vous fabriquez de magnifiques bibliothèques. Certaines sont même éclairées de l’intérieur. Il arrive à vos ouvriers chargés de les installer de modifier l’installation électrique de vos clients. Cependant, comme cela reste marginal, vous ne jugez pas utile de souscrire une décennale ; pourtant, cette infraction pénale peut être jugée comme une faute personnelle du dirigeant.
Vous avez refusé une promotion à un salarié ou vous avez licencié sans cause réelle et sérieuse un de vos employés; tous deux sont susceptibles de vous mettre en cause personnellement pour le caractère abusif (réel ou supposé) de votre action.
- La violation des statuts
En votre âme et conscience, vous avez l’intuition que votre entreprise doit se tourner vers une nouvelle activité prometteuse sur un marché porteur. Cependant, l’objet social de votre société ne le prévoit pas ; vous risquez d’être mis en cause personnellement. Vous souscrivez un emprunt sans consulter vos associés alors que les statuts de l’entreprise l’imposent ; là encore, vous vous exposez. Vous tardez à convoquer l’assemblée générale pour un motif quelconque alors que les statuts vous fixent un délai à respecter ; vous pouvez être mis en cause.
- La faute de gestion
Même sans aller jusqu’au délit d’initié, abus de biens sociaux ou autres abus de pouvoir, plusieurs fautes de gestion peuvent vous engager personnellement.
Patron de filiale, vous faites des choix stratégiques malheureux qui conduisent à de graves difficultés financières ; votre responsabilité personnelle est engagée. De même, une supervision insuffisante des activités, un manque de vérification de documents signés peuvent vous conduire à être inquiété.
Il faut donc garder à l’esprit qu’être dirigeant représente de réels risques de mise en cause personnelle, qui peut notamment mettre en péril les biens propres du responsable. C’est d’autant plus vrai que les tribunaux semblent rechercher davantage l’existence du préjudice que la faute.
Les moyens de se protéger
Les assureurs ont bien sûr élaboré des solutions plus ou moins étendues pour protéger les mandataires sociaux de ces risques. Pour ce faire, ils interviennent principalement en couvrant l’ensemble des frais de défense au civil comme au pénal. Certains d’entre eux vont même jusqu’à prendre en charge les dommages et intérêts qu’une juridiction civile pourrait prononcer (sans jamais assumer les amendes qui pourraient être infligées).
Au-delà de ces garanties «de base», des garanties complémentaires sont souvent proposées pour protéger davantage le mandataire social mis en cause.
On peut notamment citer une protection juridique professionnelle permettant d’anticiper et de prévenir des situations où la responsabilité individuelle pourrait être engagée par un service d’information juridique.
Même s’ils sont rares, certains assureurs vont plus loin en proposant par exemple une aide psychologique au dirigeant mis en cause, la prise en charge des honoraires de conseiller en communication missionné pour la réhabilitation de l’image de marque de l’entreprise, ou, enfin, sa protection fiscale en cas de contrôle par l’administration.
Malgré les risques présentés plus haut et les solutions à la disposition des dirigeants, seuls 15 % (2) d’entre eux sont garantis pour la RCMS. Ce faible taux d’équipement s’explique peut-être par le fait que la majorité d’entre eux (75 %) s’estiment protégés par le statut de leur entreprise. C’est faux !
Daniel Azarian (Ai. 199)
(1) Source : «le Nouvel Économiste».
(2) Source : «l’Argus de l’assurance», données 2015.