Les livres d’Histoire sont emplis d’évènements chaotiques qui ont façonné les contours de nos États. La question de l’assurance des risques de guerre s’est posée très tôt : la première législation à ce sujet date de 1681 (1). Le secteur maritime a été le premier à établir des contrats d’assurance. Jusqu’en 1967, les risques de guerre étaient considérés comme ordinaires, au même titre que l’incendie par exemple, et incombaient aux assureurs. Les deux conflits mondiaux du XXe siècle ont entraîné des changements : les risques ont dès lors été partagés entre l’État et les assureurs. En 1917, l’assurance de ces risques par l’État devient même momentanément obligatoire, et il en est de même en 1939. Mais 1967 marque un tournant : une série de législations entraîne le désengagement de l’État et l’exclusion dans les contrats d’assurance de ces risques, qualifiés « d’extraordinaires ». Toutefois, cette exclusion était supplétive, les assureurs et réassureurs ont pu construire des couvertures pour ces risques exceptionnels. Après 1989, à la fin de la guerre froide, les conflits armés de grande ampleur, avec des règles d’engagement, des conventions internationales, se raréfient. Les risques de guerre sont de nouveau perçus comme assurables par le privé. Mais les attentats du 11-Septembre font naître le concept de risque terroriste qui sera appréhendé par les assureurs et le législateur différemment des risques de guerre.
Si la plupart des grandes entreprises françaises sont assurées pour ces risques spécifiques, des PME ou des ETI qui auraient des activités à l’international dans des zones géopolitiques instables (voir la carte) pourraient avoir intérêt à souscrire de telles assurances. L’actualité nous le rappelle (2).
Quelles couvertures face à la guerre
- L'assurance des biens
Les contrats d’assurance en dommages aux biens classiques (multirisques) disposent d’une exclusion légale en cas de guerre (article L121-8 du code des assurances). Ainsi, les contrats des entreprises françaises qui ont des implantations en Ukraine ne couvriront pas les dommages faits à leurs outils de production locaux ni les pertes d’exploitation consécutives à ce conflit armé.
- Les risques et violences politiques.
Face à l’instabilité de pays dans lesquels des entreprises françaises sont actives, deux polices ont été développées par les assureurs : risques politiques et violences politiques. Le risque politique est la probabilité de perturbation des opérations des entreprises multinationales causée par des évènements politiques (3). Il englobe des évènements qui ne sont pas forcément violents, comme la confiscation, l’expropriation, ou la nationalisation d’actifs par le gouvernement, un risque de crédit comme le non-paiement par les entités souveraines, l’embargo sur des exportations ou des importations, etc. Pour les violences politiques, les assureurs couvrent surtout les dommages liés aux actes violents lors d’un conflit armé, de terrorisme (hors sol français), d’émeutes, de grève, de guerre civile, etc. Cette police peut avoir un volet perte d’exploitation pour indemniser les pertes de revenus commerciaux qui découlent de ces violences ou de l’abandon des actifs imposé. Ces deux polices n’englobent pas les dommages corporels.
- L’assurance des personnes.
Si elles sont blessées lors d’actes de terrorisme à l’étranger, les victimes de nationalité française et leurs ayants droit seront indemnisés par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI) (4). Les couvertures en gestion de crise, kidnapping et demande de rançon permettent notamment de gérer le rapatriement des salariés. Elles peuvent aussi intervenir pour le paiement d’une rançon lors d’un enlèvement ou d’une séquestration. Les assureurs font alors appel à des sociétés de sécurité spécialisées.
Et en cas d'attentat en France
Si les risques de guerre sont exclus des contrats standards, le risque d’attentat sur le territoire national est couvert depuis la loi du 9 septembre 1986. Tous les contrats dommages disposent donc d’une garantie visant à indemniser les dommages aux biens résultant d’actes de terrorisme commis en France. Cette garantie est en général étendue aux émeutes, sabotages, mouvements populaires sur le sol français.
Attention ! Cette obligation ne concerne que les dommages matériels ! Pour les dommages corporels, les garanties personnelles telles que les couvertures d’incapacité, d’invalidité ou de décès seront actionnées car la loi prévoit le principe de réparation intégrale du dommage corporel dans le cas d’attentat domestique.
Concernant les pertes d’exploitation, il existe des solutions de prise en charge, au-delà de l’obligation légale, même s’il n’y a pas de dommage constaté — dégradation de l’image d’un pays du fait de menaces terroristes, par exemple.
Attention aux exclusions
Il existe des exclusions ou des vides assurantiels à connaître. Ainsi, lorsque deux des cinq membres permanents du conseil probabilité de perturbation des opérations des entreprises de sécurité de l’Onu (5) sont en guerre, les polices risques politiques et violences politiques ne fonctionnent plus. Dans le cas du conflit entre la Russie et l’Ukraine, « si la France ou les États-Unis venaient à intervenir directement, la question de l’exclusion pourrait se poser », précise le porte-parole du courtier Aon. De même, les cyberattaques perpétrées par un pays dans le cadre d’un conflit qui l’oppose à un autre ne sont pas couvertes par les assureurs. À ce jour, aucune solution n’est offerte aux entreprises qui souhaitent s’assurer contre les actes de cyberguerre.
Daniel Azarian (Ai. 199)
(1) L’ordonnance sur la Marine de 1681 transfère aux assureurs le risque de pertes et dommages qui surviennent en mer à la suite d’une guerre.
(2) À l’heure où nous mettons sous presse.
(3) Définition du courtier Marsh.
(4) Une « taxe attentat » est appliquée à la cotisation des polices d’assurance dommages aux biens pour alimenter le FGTI.
(5) Chine, États-Unis, France, Royaume-Uni, Russie.